Les statistiques publiées récemment par France travail témoignent d’un bond du nombre de demandeurs d’emploi au quatrième trimestre 2024. Celles de l’Insee relatives à l’emploi sont venues conforter quelques jours plus tard le diagnostic d’un retournement du marché du travail, qui ne concerne plus seulement le secteur de la construction.

Bond de 4 % du nombre de demandeurs d’emploi

Au quatrième trimestre 2024, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A (qui n’ont pas du tout travaillé durant la période de référence) s’est accru de 114 000 par rapport au troisième en métropole et quasiment d’autant en glissement annuel. En tenant compte « d’une évolution dans le formulaire d’actualisation » qui a amplifié le mouvement d’ensemble, il faut remonter au premier trimestre 2013 pour trouver trace d’un tel résultat. Cette hausse- particulièrement soutenue chez les jeunes et à l’œuvre dans toutes les régions de France- procède d’un effet de ciseaux, à savoir une progression des entrées assortie d’une réduction des sorties (notamment de celles au motif d’une reprise d’emploi déclarée, tombées à un plus bas historique).

Dans ce contexte, les statistiques de l’Insee portant sur le taux de chômage ont surpris, puisque celui-ci s’est réduit de 0,1 point au quatrième trimestre, s’inscrivant à 7,3 % de la population active en France et à 7,1 % en métropole. Néanmoins, le halo autour du chômage, c’est-à-dire le nombre de personnes considérées comme inactives mais proches du marché du travail (recherchant un emploi mais indisponibles dans les deux semaines ou bien n’ayant pas effectué de démarche active) a nettement augmenté : + 138 000 sur un trimestre, mouvement surtout attribuable à « des transitions en provenance de l’inactivité hors halo » dont on ne sait évaluer le caractère provisoire ou non. Bien qu’en repli, le taux de chômage des jeunes s’élève encore à 19 %, soit de l’ordre de 4 points au-dessus de la moyenne calculée pour la zone euro. Si le ratio français mesuré chez les 25-54 ans comme celui des 55 ans et plus sont comparables à ceux d’ailleurs (sur la base de la moyenne des trois premiers trimestres de 2024), l’écart de taux d’emploi des 60 ans et plus – soit le rapport entre le nombre de personnes de cette classe d’âges en emploi et la population de cette même classe – demeure sensible : 42,1 % en 2024 dans l’Hexagone contre 53,4 % en zone euro.

Les suppressions nettes d’emploi s’étendent à d’autres secteurs que la construction

La relative stabilisation des effectifs du privé entre les premier et troisième trimestres 2024 a laissé place à une diminution de l’ordre de 50 000 au quatrième d’après une estimation préliminaire délivrée par l’Insee le 7 février. Tous les grands secteurs sont touchés, à commencer par la construction qui enregistre une baisse pour le huitième trimestre consécutif, mais aussi les services (il faudra attendre la fin du mois pour visualiser quels sous-secteurs ont enregistré une correction de leurs effectifs). Globalement donc, l’ascension de l’emploi est à présent derrière nous, conduisant à une amélioration de la productivité par tête depuis un an et demi puisque sur la période la valeur ajoutée a plutôt progressé dans le privé ; entre fin 2019 et l’été 2024 en revanche, la productivité a fait du surplace, et, s’est même érodée d’environ 2,5 points dans l’industrie manufacturière.

Dans l’industrie, baisse des entrées sur le marché du travail et accroissement des sorties

Une perte nette hors intérim de 3 200 salariés a été à l’œuvre dans l’industrie lors des trois derniers mois de 2024, interrompant une progression quasi sans accroc depuis le printemps 2018 (hors période Covid). S’il ne s’accentue pas, l’ajustement de l’intérim se poursuit : – 1 400 entre septembre et novembre dans l’industrie d’après la Dares et – 15 700 depuis le mois d’avril. De surcroît, les embauches telles que comptabilisées par les Urssaf ont décroché en fin d’exercice, notamment sous l’effet du repli de ceux réalisés en CDI (ils représentent 48 % du total hors intérim, et, 58 % en moyenne dans la métallurgie). Les difficultés de recrutement restent certes significatives mais se réduisent, concernant 43 % des entreprises en janvier 2025 contre 52 % neuf mois plus tôt. De leur côté, les fins de contrat mesurées par la Dares ont affiché une progression de 3,3 % en glissement annuel au troisième trimestre dans l’industrie (le dernier connu), et même de 8 % pour les fins de CDI elles-mêmes tirées par les licenciements non économiques, les départs en retraite et les fins de période d’essai ; de surcroît, alors qu’elles avaient fléchi les trimestres précédents, les démissions de CDI sont de façon surprenante reparties de l’avant (elles représentent plus de 40 % du total des fins de CDI). Enfin, les chambres syndicales territoriales de l’UIMM constatent une forte hausse des sollicitations relatives aux licenciements pour motif économique depuis plusieurs mois, provenant principalement d’entreprises de moins de 300 salariés et pour de “petits” licenciements économiques (moins de 10 salariés sur une même période de 30 jours). Les secteurs les plus concernés sont la mécanique, l’automobile, ainsi que les alliages et produits métalliques.

Chiffres clés :

• 525 400 : nombre moyen d’entrées à France Travail au T4 2024 (catégories A, B, C, France métropolitaine.)
• 492 700 : nombre moyen de sorties de France Travail au T4 2024 (catégories A, B, C, France métro.)
• 43 % : proportion des demandeurs d’emploi inscrits à France Travail depuis plus d’un an au T4 2024
• 19 % : taux de chômage des moins de 25 ans au T4 2024
• – 14 800 : variation sur 1 an du nombre d’intérimaires dans la métallurgie en novembre 2024
• 19 % : proportion des dirigeants de PME du privé déclarant avoir annulé leurs projets d’embauche au T4 2024
• -3,6 % : variation des recrutements hors intérim dans l’industrie au T4 2024
• 23 850 : nombre de salariés concernés par une liquidation judiciaire dans le secteur privé au T4 2024
• 520 000 : nombre d’emplois vacants dans le secteur privé au T3 2024